Les investisseurs ne voient plus de hausses de taux et tablent sur des taux plus bas en 2024.
Après une brève période d’hésitations autour du «juste prix» des nouvelles obligations qui avait ralenti le marché primaire, le vent du changement s’est levé sur les marchés obligataires, et il souffle fort. Selon un sondage de BofAML, le scénario dominant de «taux plus hauts pour plus longtemps» (higher for longer) aura finalement été de courte durée – il aura suffi d’une réunion de la Réserve fédérale (Fed) et de chiffres de l’inflation en recul en octobre pour en sonner le glas. Les investisseurs ne voient en effet plus de hausses de taux et tablent sur des taux plus bas en 2024. Ils se délestent en conséquence de leur cash pour surpondérer les obligations. Cela faisait même depuis 2009 qu’ils n’en avaient plus détenu autant. Ce virage n’est pas lié à un changement de vue conjoncturelle mais à des attentes d’inflation et de taux en baisse.
Les investisseurs se ruent donc massivement sur les obligations en privilégiant les maturités longues. La vague touche l’Europe qui suit la même direction. Le resserrement des primes de concession en dit long sur l’appétit du marché. Veolia Environnement a, par exemple, émis un nouvel emprunt hydride le 13 novembre. L’emprunt a attiré près de 3 milliards d’euros d’intérêt pour une émission de 600 millions d’euros. Cela a permis à Veolia de resserrer de 50 points de base les indications initiales, de 6,5% à 6%. Un montant qui permet à l’émetteur d’économiser 3 millions d’euros de charge d’intérêts chaque année. L’exemple de l’Union européenne est également parlant, malgré une échéance intermédiaire. La nouvelle obligation de maturité 5 ans a été plus de 13 fois sursouscrite et les carnets d’ordres ont même dépassé les 100 milliards d’euros durant la journée.
La Suisse n’échappe pas à ce nouveau paradigme. Alors que le marché est coutumier des allocations pleines et des indications stables, les choses changent. Resserrement des indications initiales et allocations coupées sont le nouveau quotidien. Aux Etats-Unis, les investisseurs se précipitent sur les émissions de maturité de 30 ans. Selon des calculs d’IFR, les nouvelles émissions de maturité 30 ans sont moins nombreuses que l’année dernière. Les émetteurs ne souhaitent en effet pas s’engager pour une si longue période avec des niveaux de rendements dépassant aisément les 6%. Ceux qui ont osé ont été récompensés par un chaleureux accueil.
Duke Energy fait partie de ceux qui ont sauté le pas, et a finalement émis une tranche 30 ans de plus grande taille que l’échéance 10 ans, un fait suffisamment rare pour être mentionné. Alors même si les primes de risques ne sont pas très élevées et sont revues à la baisse – de 170 points de base à 142 points de base pour la Duke de maturité 30 ans –, l’impact de l’anticipation d’une baisse des rendements l’année prochaine prend largement le dessus. Entre le 6 et le 15 novembre, la prime de risque a continué de se resserrer (à 134 points de base) et avec la baisse des rendements, le prix de l’obligation s’est envolé à 103%. En d’autres termes, le scénario «higher for longer» n’aura pas fait l’unanimité longtemps.