L'objet des votations du 22 septembre est une avancée pour les travailleurs plus âgés, les salariés à temps partiel ou les revenus plus modestes. Les entreprises devront s’adapter pour 2027 au plus tôt.
Quasiment deux ans, jour pour jour, après s’être prononcée sur la réforme de l’AVS (AVS21), la population suisse est invitée à nouveau à voter le 22 septembre prochain sur la réforme de son système de prévoyance: la LPP21.
Cette réforme de la prévoyance professionnelle découle d’une nécessité d’adapter le système aux évolutions économiques et sociales des vingt dernières années. En effet, avec l’augmentation de l’espérance de vie et la diminution des rendements obtenus sur les avoirs de vieillesse, la pression sur les caisses de pension pour le financement des prestations, surtout celles du régime obligatoire, s’est passablement accrue.
Vue la complexité de certaines mesures proposées, il n’est pas aisé pour les citoyens de comprendre quel sera réellement l’incidence de cette réforme sur leur retraite. Ce constat se confirme avec un récent sondage paru dans le journal Le Temps qui indique que près de 52% des votants sont à ce jour indécis et environ 71% avouent ne pas totalement comprendre les enjeux de la réforme. Il est vrai qu’en comparaison du vote pour le versement d’une 13e rente AVS… l’intitulé était plus limpide.
Pour tenter de comprendre les enjeux du vote à venir, il peut être intéressant de préciser dans un premier temps le contexte de cette réforme puis de se pencher un peu plus sur chaque mesure prévue.
BAISSE DU TAUX DE CONVERSION
Si la baisse du taux de conversion LPP est la mesure la plus discutée de cette réforme, elle n’est pas nécessairement la plus importante. En effet, environ 85% des assurés des caisses de pension le sont dans des institutions qui fournissent des prestations surobligatoires supérieures au minimum légal LPP. Cet avoir surobligatoire représente souvent une part importante des capitaux de prévoyance des assurés (cotisation sur le salaire excédant 88’200 francs par an). Cette partie de l’avoir de vieillesse présente depuis de nombreuses années un taux de conversion bien inférieur à 6,80% dans la majorité des caisses de pension puisque ce dernier s’élève actuellement, selon une récente étude, en moyenne à 5,30% sur l’ensemble des avoirs.
UNE RÉDUCTION DU SEUIL D’ENTRÉE QUI BÉNÉFICIERA AUX BAS SALAIRES
La deuxième modification proposée dans la réforme concerne l’abaissement du salaire minimum à partir duquel l’assurance à la prévoyance professionnelle devient obligatoire. La réduction du seuil d’entrée actuel (22’050 francs) à 19’845 francs permettrait à environ 70’000 personnes de s’affilier à une caisse de pension.
UNE DÉDUCTION DE COORDINATION VARIABLE POUR LES TEMPS PARTIELS
Après le taux de conversion, le passage à une déduction de coordination variable est une autre des principales modifications prévues par la réforme. Ce changement tente de répondre à l’évolution de la société et du monde du travail qui compte un nombre croissant de personnes occupant une activité à temps partiel pour concilier au mieux vie privée et vie professionnelle ou qui souhaitent s’épanouir dans plusieurs emplois à taux réduits. Ces travailleurs cumulant plusieurs temps partiels verraient leur salaire assuré augmenter, leur avoir de vieillesse croître et leur retraite améliorée. En effet, avec une participation d’au moins la moitié des cotisations d’épargne et de risque par employeur, à salaire équivalent et à contributions d’épargne équivalentes, un employé à temps partiel aurait un avoir plus conséquent à la retraite avec l’adoption de la réforme. Toutefois, les salaires mensuels nets cumulés seraient amoindris par la part des cotisations supplémentaires versées dans la prévoyance professionnelle. On peut également ajouter que la mise en place d’une déduction de coordination variable pourrait découler sur une complexification de la compréhension du système de prévoyance pour les assurés (la lecture d’un certificat de prévoyance ou d’un plan de prévoyance étant déjà passablement complexe et indigeste pour bon nombre d’entre eux).
UN LISSAGE DES COTISATIONS VARIABLES
Si la déduction de coordination variable est plus difficile à comprendre, le lissage des cotisations d’épargne simplifie le système en réduisant les taux de cotisations de deux contre quatre actuellement. Les taux de cotisation plus faibles seraient compensés par un salaire assuré plus conséquent (grâce aux autres mesures de la réforme) dans le but de ne pas trop réduire l’avoir de vieillesse au moment de la retraite. Le nombre de caisses de pension offrant des plans de cotisations à choix ou finançant plus de la moitié des bonifications de vieillesse étant de plus en plus nombreuses, il est difficile de dire exactement quelles personnes seront concernées par ce point de la réforme. Ceci dépend notamment du salaire assuré ainsi que de la part de l’avoir obligatoire de chacun.
UNE SUPPLÉMENTATION DE RENTES
Pour finir, la réforme prévoit certaines mesures compensatoires consistant essentiellement en un supplément de rente pour la génération transitoire. Ce complément de rente versé à vie sera alloué en fonction du montant de l’avoir de prévoyance au moment de la retraite ainsi que du nombre d’années de cotisation. Les futurs retraitées ou retraités avec un avoir supérieur à 441’000 francs ne seraient par exemple pas éligibles pour ce supplément. Même si les effets de ces mesures n’impacteront les assurés que dans quelques années, cette compensation semble nécessaire pour atténuer l’incidence sur les prestations de la tranche d’âge la plus concernée par la réforme (les plus de 50 ans).
Finalement, en regardant les mesures de la réforme plus en détail, on constate qu’elle ne concerne pas la totalité des futurs retraités, comme ce fut par exemple le cas pour la 13e rente AVS. Ainsi, en cumulant les assurés ayant des plans supérieurs au minimum légal (LPP) aux retraités touchant déjà leur rente de vieillesse, la Confédération estime qu’environ deux tiers des actifs en Suisse (4,6 millions) ne seront pas impactés par cette réforme. Cette réforme s’adapte à l’évolution de la société et permettra à davantage de salariés de bénéficier du deuxième pilier grâce à la diminution du seuil d’affiliation, évitera des discriminations à l’embauche des travailleurs plus âgés et avantagera les personnes à temps partiel, les grands oubliés de la LPP. A l’issue de cette votation, si le peuple vote en faveur de cette réforme, les entreprises devront adapter leur plan de prévoyance au plus tôt en 2027. Les défis seront nombreux, notamment celui de rester attractif pour les différentes catégories de collaborateurs.