Alors que les risques de récession étaient dans le viseur des investisseurs depuis près de deux ans, ceux-ci ne se sont pas matérialisés, notamment aux Etats-Unis. Au contraire, l’économie américaine s’est de nouveau distinguée par une croissance de son PIB bien supérieure à celle des autres pays développés. L’effet de richesse induit par la hausse des marchés financiers et la force du marché du travail continuent de stimuler la consommation privée. Les Etats-Unis ont également été moins affectés par la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient, ainsi que par le ralentissement économique en Chine.
Cette désynchronisation avec le reste du monde devrait se poursuivre en 2025. Les politiques mises en place à la suite de la victoire de Donald Trump et du Parti républicain au Congrès devraient en effet être «reflationnistes». En d’autres termes, elles devraient stimuler davantage la croissance économique par la réduction des impôts et pourraient générer plus d’inflation aux Etats-Unis.
Plus généralement, la croissance mondiale devrait rester stable en 2025 par rapport à 2024, proche de 3%. Bien que modeste, l’activité continuera de se rééquilibrer vers la consommation des services, alors que la dynamique désinflationniste se poursuivra globalement, en dehors des Etats-Unis.
Au niveau des banques centrales, les baisses de taux seront plus mesurées en 2025. Des différences devraient cependant apparaître entre régions. Aux Etats-Unis, le scénario le plus probable pour 2025 est de deux baisses des taux directeurs. La croissance économique devrait être supérieure à 2%, même si la demande privée devrait se normaliser et le ralentissement du marché de l’emploi se poursuivre. Le risque d’un fort ralentissement de l’activité ne peut pas être écarté (hard landing), mais cela ne devrait pas se produire avant 2026 compte tenu de la relance fiscale à venir. Au Canada, la banque centrale devrait retrouver un rythme d’assouplissement monétaire plus modéré et baisser les taux entre 50 et 75 points de base d’ici au mois de juin. Un taux directeur de 2,5% et des conditions financières plus accommodantes permettront de réduire l’écart de croissance par rapport à son potentiel de long terme.
En Europe, nous prévoyons une baisse des taux de la Banque centrale européenne lors de chaque réunion, jusqu’à ce que le taux de dépôt atteigne 2% en juin prochain, alors que la Banque nationale suisse devrait réduire son taux directeur à 0% en juin.
Ce scénario sera porteur pour les actifs risqués, comme l’atteste depuis le mois de novembre l’optimisme sur les marchés actions, en particulier sur les sociétés exposées à l’activité domestique américaine. En somme, les perspectives d’une amélioration des données d’activité économique sont redevenues positives pour les actions (good news is good news), alors que les années précédentes, un renforcement de la croissance était plutôt vu comme un risque de resserrement des politiques monétaires. Les marchés actions américains restent cependant chers en comparaison avec les marchés européens. Même si l’environnement économique semble moins attractif sur le Vieux-Continent, les risques semblent asymétriques avec des possibilités non négligeables de surprises positives, que ce soit au niveau politique ou géopolitique. En ce qui concerne les valorisations, les marchés européens sont par ailleurs mieux positionnés.
En matière d’allocation d’actifs, le retour d’une corrélation négative entre les marchés actions et obligataires permet de nouveau à un portefeuille bien équilibré d’aller chercher une performance solide tout en amortissant les chocs de marché. A plus long terme, la phase de normalisation économique milite pour une plus grande diversification de l’exposition actions, au-delà des grandes sociétés technologiques qui représentent un risque de concentration élevé. Ajustés au risque, les marchés obligataires restent par ailleurs attractifs dans la phase actuelle de normalisation des politiques monétaires à travers le monde.
Sur les marchés obligataires en particulier, une allocation sur les obligations souveraines de la meilleure qualité reste primordiale dans le cas où l’activité économique venait à décevoir. Aux Etats-Unis, nous privilégions la partie médiane de la courbe des taux avec des maturités comprises entre 5 et 7 ans pour bloquer des taux d’intérêt sur des niveaux attractifs. Cela permet également d’éviter d’éventuelles pressions sur la partie longue en raison des risques de hausse du déficit et de l’endettement gouvernemental. En Europe, le risque de hausse des rendements est relativement faible compte tenu de nos attentes de croissance et d’inflation, et nous privilégions un positionnement plus long sur la courbe. Au niveau du crédit, étant donné que nous nous attendons à une poursuite d’une croissance élevée aux Etats-Unis et une légère reprise en Europe, les obligations d’entreprises continueront d’afficher de solides performances.
La dette privée permet également de diversifier son allocation obligataire. Non seulement sa corrélation est faible avec les marchés actions, mais également avec le marché obligataire. Les rendements sont également attractifs et plus élevés que sur les marchés publics. Cette classe d’actifs offre une exposition plus diversifiée en matière d’industries et d’emprunteurs et est moins influencée par les régimes de marché.
Les baisses de taux directeurs, la reprise cyclique et les baisses d’impôts constituent un cocktail positif pour les marchés actions à court et moyen terme. Les valorisations actions sont élevées. Toutefois, elles ne sont pas un indicateur avancé de la performance à court terme et peuvent rester sur des niveaux élevés lorsque les fondamentaux économiques sont solides et que la liquidité sur les marchés reste importante. Le cycle de baisse des taux directeurs devrait être bénéfique pour les petites et moyennes capitalisations. Une exposition sectorielle plus cyclique se justifie également, ainsi qu’une augmentation de l’exposition aux titres décotés (value).
Finalement, le différentiel de politique monétaire entre les Etats-Unis et le reste du monde, reflet des différentes dynamiques de croissance, et la politique commerciale de l’administration Trump devraient exercer une influence positive sur la valeur du billet vert début 2025.