Selon le proverbe, le battement d’ailes du papillon peut engendrer un typhon à l’autre bout du monde, mais ce que nous ressentons actuellement est davantage celui des ailes d’un B52.
La volatilité atteint des niveaux oubliés depuis le Covid mais la situation est-elle pour autant comparable? L’imprédictibilité est commune, mais les réactions des marchés financiers sont en partie différentes, tout du moins pour les obligations du Trésor américain. Leur statut de valeur refuge est remis en question et, outre la question philosophique de chercher la sécurité auprès de celui qui déstabilise le système, les craintes économiques croissent. L’escalade rapide des tensions entre les Etats-Unis et ses partenaires commerciaux, la Chine en particulier, augmente le risque de voir un ralentissement de la croissance (qui pousserait la Réserve fédérale (Fed) à baisser ses taux pour stimuler l’économie) et une accélération de l’inflation (qui pousserait la Fed à relever ses taux pour contenir la hausse des prix). Le terme «récession» circule et celui de «stagflation» refait son apparition.
La repentification rapide de la courbe des taux reflète ces craintes. Les attentes de baisses de taux, selon les probabilités implicites des futures, sont désormais de 3,5 pour 2025. Elles n’étaient que d’une en début d’année et de quatre au pire de la séance du 9 avril. Au début du mois, l’écart de rendement entre l’échéance 2 ans et 10 ans était de 27 points de base, il a atteint 73 le 9 avril. Son repli à 40 points de base, après l’annonce du dernier revirement américain, s’est fait par un double mouvement: hausse du rendement à 2 ans et baisse de celui à 10 ans. La volatilité a été inouïe le 9 avril puisque le rendement de ce dernier a oscillé entre 4,30 et 4,50%. Il s’est stabilisé à 4,30% le 10 avril – pas vraiment un comportement de valeur refuge.
Mais si les bons du Trésor perdaient leur statut, où les investisseurs placeraient-ils leurs liquidités? La journée de mardi nous a donné une bonne indication. Alors que le Trésor américain plaçait péniblement un emprunt de maturité 3 ans, l’Union européenne soulevait 86 milliards d’euros d’intérêt pour la réouverture de deux emprunts de maturité 3 et 27 ans. Elle recherchait 8 milliards d’euros. Malgré les attentes de hausse de l’endettement de la zone, les obligations européennes, et le Bund en particulier, ont la faveur des investisseurs. De façon intéressante, au mois de février déjà, les investisseurs japonais ont acquis le montant d’obligations gouvernementales françaises le plus élevé depuis 2019. La scission se reflète aussi par les différences de performance des obligations allemandes et américaines: un rally en Europe et une correction aux Etats-Unis le 9 avril et l’inverse le 10, une autre illustration de la volatilité.
Et que peut-on déduire du comportement des autres actifs refuge? Le franc suisse reste très demandé et continue, malgré les dernières annonces, à tester ses plus hauts des 14 dernières années contre le dollar (0,8352). Une pression additionnelle pour la Banque nationale suisse (BNS) qui pourrait réitérer l’expérience des taux négatifs, qui n’effrayent pas, à ce stade, les investisseurs. Le dollar est par ailleurs en baisse contre toutes les autres monnaies comme le montre le «dollar index».
Les investisseurs peinent à trouver une direction dans ce flux d’informations, apparemment erratique, et devront attendre que la poussière retombe pour savoir si nous sommes dans un nouveau paradigme, dans lequel la manipulation de marché a sa place, ou si cela était juste «beaucoup de bruit pour rien».