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Asset Management

Les marchés financiers défient les banques centrales

Malgré les révisions des taux d'intéret directeurs par les investisseurs, les marchés financiers continuent de défier les banques centrales et montrent des signes de reprise. Découvrez le dernier article de Valentin Bissat, Senior Economist/Strategist chez Mirabaud, dans Le Temps.

À peine deux ans après un cycle rapide de remontée des taux d’intérêt directeurs par les banques centrales des pays développés en raison de la flambée de l’inflation, les investisseurs sont de nouveau focalisés sur la phase de normalisation des politiques monétaires. La hausse récente des indices de prix en Europe et aux États-Unis a inquiété les investisseurs, mais les banques centrales se sont finalement montrées plus accommodantes qu’anticipé lors de leur dernière réunion de politique monétaire fin mars. Que ce soit la Réserve fédérale américaine (Fed), la Banque centrale européenne (BCE) ou la Banque d’Angleterre (BoE), l'incertitude porte désormais principalement sur la vitesse du cycle d'assouplissement à venir et sur le niveau final des taux directeurs que sur la date précise de la première baisse.

Hausse du taux d’équilibre à long terme

Aux États-Unis, la Fed a confirmé qu’elle prévoyait de baisser ses taux directeurs à trois reprises cette année, comme lors de sa réunion du mois de décembre. Cela peut sembler surprenant étant donné que la banque centrale américaine a dans le même temps révisé à la hausse ses prévisions d’inflation pour 2024 et de croissance pour ces trois prochaines années. L’élément clé est que l’amélioration de la croissance projetée est portée par des facteurs liés à l’offre : l’intelligence artificielle devrait stimuler la productivité, alors que l’immigration devrait soutenir la croissance démographique et augmenter l’offre de main d’œuvre. Une accélération de la croissance économique sans pression accrue sur les prix est alors possible. La contrepartie serait cependant une hausse du taux d’intérêt d’équilibre à long terme. Ainsi, la chute des taux d’intérêt dans le monde de ces 20 dernières années en raison de la baisse de ces deux facteurs – productivité et démographie – pourrait s’inverser. Comme l’a mentionné le président de la Fed Jerome Powell, « mon instinct est que les taux ne reviendront pas aux niveaux très bas que nous avons connus » avant la pandémie.

En Europe, la BCE se trouve dans une situation plus confortable. La croissance n’est pas aussi robuste qu’aux États-Unis et la probabilité d’un rebond de l’inflation à moyen terme semble plus mesurée. Même la banque centrale anglaise a ouvert la porte à un assouplissement monétaire avant l’été, alors que la situation ne semblait pas aussi favorable en début d’année.

L’ «exceptionnalisme» suisse

En Suisse, la Banque nationale (BNS) a prouvé une nouvelle fois en deux ans qu’elle faisait fi de la politique monétaire plus prudente de ses consœurs. Après avoir augmenté son taux d’intérêt directeur en juin 2022, trois mois avant la BCE, pour contrer les pressions inflationnistes, elle a de nouveau créé la surprise en abaissant son taux directeur à 1.5% en mars, une baisse de 25 points de base. Les économistes tablaient plutôt sur un début de l’assouplissement de la politique monétaire pour le mois de juin, en même temps que la Fed et la BCE. En effet, les différentiels de taux d’intérêt entre régions expliquent en grande partie l’évolution à court terme des taux de change, et celui du franc suisse contre l’euro et le dollar joue un rôle essentiel sur le niveau de l’inflation en Suisse. La décision anticipée de la BNS entrainera certainement une dépréciation du franc et une augmentation de l’inflation importée ces prochains mois.

Cette décision peut cependant s’expliquer aisément. En février et mars, l’inflation a continué de baisser et elle s’établit désormais à 1%, bien en dessous du niveau de 2% que la BNS assimile à la stabilité des prix. La faiblesse de l’inflation s’explique par un tassement du prix des biens, couplé au renchérissement du franc suisse ces dernières années. L’inflation domestique incite cependant à la prudence, la hausse du prix des biens étant proche des 2%.

Trois raisons principales expliquent cette divergence dans la trajectoire de l’inflation entre la Suisse, l’Europe et les États-Unis. En premier lieu, la force du franc suisse a contribué à contenir la hausse des prix importés. La période inflationniste post-covid a été caractérisée par une poussée des prix de l’alimentation et de l’énergie, des biens majoritairement importés en Suisse. Ensuite, la Suisse étant un pays riche, la part de ces deux composantes dans l’indice de prix à la consommation est plus faible qu’en Europe, d’où un impact plus limité sur son niveau d’inflation. Enfin, les prix administrés, c’est-à-dire fixés ou approuvés par la Confédération, les cantons ou les communes, représentent 25% de l’indice des prix à la consommation en Suisse, et ils sont moins réactifs au cycle économique ou aux chocs sur l’offre. Dans ces circonstances, la BNS devrait encore abaisser son taux directeur à deux reprises cette année, pour le ramener à 1%.

Marchés financiers: à plein régime

Depuis le début de l’année, les investisseurs ont fortement révisé leurs prévisions de baisses des taux d’intérêt directeurs pour la Fed et la BCE d’ici à la fin de l’année. Alors qu’ils anticipaient sept baisses de 25 points de base (0.25%) début janvier, ils n’en prévoient désormais plus qu’entre deux et trois. Il est remarquable que dans le même temps, les indices des actions américaines (S&P 500) et mondiales des pays développés (MSCI Monde) aient augmenté de respectivement 7% et 6%.

Il faut dire que la croissance mondiale s’amplifie, soutenue par une reprise du cycle manufacturier. L’activité accélère en Europe et en Chine, et l’économie américaine est toujours portée par un marché du travail qui défie la gravité. Cet environnement est favorable pour les marchés actions, en particulier pour les titres cycliques, les petites et moyennes capitalisations et le secteur technologique qui continue de bénéficier de la traction liée à la thématique de l’intelligence artificielle. Les niveaux de valorisation restent élevés et resteront sous pression dans un environnement de hausse des rendements obligataires, mais l’amélioration des fondamentaux économiques devrait soutenir la croissance des bénéfices des sociétés.

Les marchés européens pourraient également être les bénéficiaires de la reprise du cycle manufacturier. Il existe en effet un potentiel de rattrapage important par rapport aux actions américaines, les écarts de valorisation les plus élevés se situant sur les secteurs des services financiers, de l’énergie et de la consommation discrétionnaire. Une exposition aux marchés européens offre également une diversification bienvenue face à la concentration de la performance des marchés sur un nombre restreint de grosses capitalisations, en particulier les Sept Magnifiques (Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla).

Le prolongement d’une période de taux hauts aux États-Unis n’est cependant pas sans risque pour l’économie, les coûts de financement plus élevés ne se répercutant que lentement sur les entreprises et sur l’activité réelle. Dans ce cadre, une analyse approfondie des sociétés et une approche basée sur la qualité est primordiale.

Diversifier son portefeuille grâce à la hausse des rendements

A la suite de la hausse des rendements obligataires aux États-Unis, le rendement de l’obligation du Trésor américain à 10 ans atteint désormais 4.65%. Les conditions financières se sont pourtant à peine resserrées en raison de la hausse des marchés actions et d’écart de crédit toujours aussi bas. Ainsi, la remontée récente de l’inflation devrait se traduire par une poursuite de la hausse de la partie longue de la courbe des taux. Le niveau actuel des rendements permet cependant d’amortir le choc, ce qui n’a pas été le cas durant la phase de normalisation des politiques monétaires en 2021 et 2022. Une exposition sur les obligations gouvernementales ainsi que sur les obligations d’entreprise de bonne qualité permet également de protéger un portefeuille contre la survenance d’un scénario adverse qui verrait la croissance ralentir ou l’environnement géopolitique mondial se tendre.

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N'hésitez pas à vous adresser à votre interlocuteur privilégié chez Mirabaud ou à nous contacter ici si ce sujet vous intéresse. Avec nos spécialistes dédiés, nous nous ferons un plaisir d'évaluer vos besoins personnels et de discuter des éventuelles solutions d'investissement qui seraient adaptées à votre situation.

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