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Investissement socialement responsable

Le combat philosophique (et économique) d’Apple pour la protection de la vie privée

Le géant technologique Apple est-il réellement le chevalier blanc de la vie privée? Depuis ses débuts, la firme du Cupertino fait de la protection des données de ses clients son véritable cheval de bataille. Il s’agit certainement d’une bataille philosophique noble, déjà menée par Steve Jobs, qui répond aux inquiétudes à la fois des régulateurs américain et européen, des utilisateurs mais aussi des investisseurs responsables.

Cette position reflète surtout une stratégie commerciale implacable de différenciation visant à gagner de nouveaux revenus dans le très concurrentiel marché publicitaire et dont les « victimes » sont Facebook (Meta) et Google (Alphabet). Au regard de certaines concessions du groupe, faites notamment à la Chine, cet engagement sur la vie privée n’échappe toutefois pas à la critique.

Le marché florissant de l’économie de la donnée et les risques ESG

Les données personnelles valent de l’or et leur exploitation forme un véritable marché du Big Data, estimé à près de 227 USD milliards en 2019. L’économie de la donnée, selon ces mêmes estimations, devrait atteindre une valeur de 400 USD milliards en 2025. Ses acteurs sont principalement les médias sociaux (Twitter, Facebook et Instagram), les moteurs de recherche dont celui d’Alphabet, les développeurs d’applications, mais aussi les marchands de données et les entreprises spécialisées dans la publicité. Récoltées par ces acteurs et vendues à des entreprises tierces, ces informations permettent d’affiner le profil des consommateurs et de cibler des publicités. Cet océan d’informations contient des données individuelles sensibles portant, par exemple, sur la santé, l’orientation politique, sexuelle, ou encore les croyances religieuses des utilisateurs de ces outils technologiques. Leur récolte et leur exploitation sont devenues des inquiétudes croissantes pour les consommateurs, un thème central de régulation, et un enjeu stratégique pour les investisseurs responsables quand ils considèrent les GAFAM comme investissement potentiel.  A cet égard, le scandale Cambridge Analytica de 2015, associé au siphonage des données personnelles de 87 millions abonnés de Facebook, a joué un rôle majeur dans l’éveil des consciences (la société Cambridge Analytica a développé un logiciel pour la campagne de Donald Trump permettant de cibler plusieurs millions d’électeurs en fonction de leur profil).

Comment Apple se distingue sur le thème de la confidentialité des données

Depuis plusieurs années, Apple s’engage publiquement en faveur de la protection des données et de la vie privée de ses utilisateurs. Un positionnement philosophique qui opposait déjà Steve Jobs à Mark Zuckerberg en 2010. Le droit à la confidentialité des données est explicitement présenté et défendu comme un droit de l’homme fondamental par l’entreprise. Cette position se mue en attaques frontales directes à l’encontre des géants de la Tech quand Apple appelle à l’adoption d’une régulation stricte, de type RGPD en Europe (les normes du Règlement général sur la protection des données (RGPD) posent des limites claires aux modèles d’affaires des géants du Big Data). Entre autres principes affichés dans sa politique, Apple s’engage à collecter le moins de données possible sur ses utilisateurs en rendant ses appareils hardware plus « intelligents » : à la place d’être envoyées à Apple, les données, comme celles de l’application Health, sont cryptées et stockées au maximum sur l’iPhone. Depuis avril 2021, la politique de confidentialité de l’entreprise s’est encore durcie et a compliqué la marche des affaires de ses concurrents. Les utilisateurs du système d’exploitation iOS peuvent plus facilement refuser le traçage de données sensibles par les applications auxquelles ils ont accès. En outre, l’App Store indique quelles données (sensibles ou non) sont collectées et exploitées par des applications comme Twitter. Le CFO de Meta a récemment reconnu que ces changements ont eu pour effet de compliquer le ciblage de ses propres publicités (via ses apps) et de faire baisser ses revenus de 14,5 USD milliards en 2022.  En tout, un total de 315 USD milliards de pertes publicitaires, liées à cette politique, a été évoqué pour Twitter, Meta, Snap et Pinterest. Si cette stratégie en matière de confidentialité des données contribue à ce qu’Apple apparaisse dans la liste des titres considérés comme ESG par de nombreux indices ou agences spécialisées, elle lui permet aussi incidemment de se positionner sur le marché de la publicité et d’engranger de juteux revenus au détriment de ses concurrents. Le segment des appareils (hardware) représentait 85% du revenu en 2021 et a baissé à 80% en 2022, en faveur des services qui incluent les activités publicitaires (4 USD milliards de chiffre d’affaires en 2021 et perspectives de 30 USD milliards d’ici à 2026).

La Chine : les principes à l’épreuve de la réalité

C’est sur le dossier de la Chine que des voix critiques s’élèvent en pointant du doigt la duplicité de la firme à la pomme. D’un côté, Apple, au nom de ses principes de protection des données, refuse systématiquement de livrer des informations personnelles aux autorités américaines (y compris celles d’un meurtrier de masse californien en 2015); de l’autre, en Chine, l’entreprise fait de larges compromis au gouvernement de Xi Jinping. Selon une enquête du New York Times, elle a accepté de stocker des données de clients, mises sur iCloud, sur des serveurs gérés par des entreprises chinoises et de censurer certaines applications, comme des messageries cryptées, pouvant contribuer à nourrir la contestation. On le voit aujourd’hui avec les protestations d’une partie de la population contre la politique Covid, le contrôle social est un enjeu stratégique pour le régime. Concrètement, les données de millions de résidents chinois (messages, photos, documents), stockées dans les centres de données d’Apple en Chine, sont accessibles au gouvernement. Apple se défend en expliquant appliquer strictement les lois du pays en matière de cyber sécurité. Des obligations légales d’autant plus importantes à suivre à la lettre que la Chine, avec 20% du revenu en 2021, revêt une importance commerciale majeure. Sans parler de la dépendance de la marque au pays pour la production. Même si Apple bascule une partie de sa chaîne logistique en Asie du Sud, l’usine du monde qu’est la Chine reste le lieu principal d’assemblage.

On le voit, le modèle d’affaires d’Apple diffère bel et bien de celui de ses concurrents en matière d’exploitation des données, l’entreprise ayant même réussi à en faire un argument commercial. Néanmoins, comme beaucoup d’entreprises présentes en Chine, par pragmatisme et souci de maintenir ses ventes, Apple adapte ses principes de protection des données aux réalités politiques. S’il est possible de reconnaître de très bonnes pratiques à Apple, il est difficile d’affirmer que l’entreprise représente le chevalier blanc de la confidentialité des données.

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